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NUMÉRO 9 • SEPTEMBRE 2020
CARPE DIEM
Histoire écrite par :Mariam El-deeb
Prologue Elle aurait pu montrer son amour envers sa famille,
Un silence affreux envahissait les rues de la ville à feu et à parler plus souvent avec eux, leur remercier de lui avoir
sang, un silence chargé d’un choc terrible, d’une donne une bonne vie. Mais c’était trop tard et elle ne
souffrance exorbitante. Dans quelques minutes, les cris pouvait rien changer. Ils étaient morts sans savoir a quel
commenceront à éclater, ces sons déchirants qui point elle les adorait.
accompagnent toujours cette séparation douloureuse
qu’emmène la mort, cette cruelle créature qui ne fait pas Remarquant un objet à moitié caché au dessous d’une
différence entre âgé et nouveau né. pierre, elle se leva, se dirigea vers lui, marchant sur du
verre brisé et trébuchant sur des meubles cassés. C’était
Assise sur les décombres de ce qui, il y a quelques la petite poupée que sa grand-mère lui avait offert quand
minutes, était sa maison, était une jeune femme à peine elle avait six ans, pour essayer d’apaiser son chagrin
âgée de dix huit ans. Elle avait le visage dans les mains, après la mort de ses parents. Quand la fillette, qui n’avait
les yeux secs comme un désert. Les larmes viendront cesse de pleurer et demander de voir sa mère, avait vu la
plus tard. Tout était perdu, pensa-t-elle, et elle ne l’avait petite poupée vêtue d’une belle robe bleue, elle se tut et
même pas apprécié quand il était entre ses mains. Elle se mit à admirer le jouet. Sa grand-mère, qu’elle appelait
était si concentrée sur ses rêves, sa poursuite d’une vie Nana, avait était couturière dans sa jeunesse, et avait elle-
selon elle parfaite, qu’elle n’avait pas vu que le bonheur même cousu la poupée, avec l’intention de l’offrir sa
était juste devant elle, qu’elle n’avait que d’ouvrir ses yeux petite fille, Angélique, pour son anniversaire.Après la mort
pour l’atteindre. Elle avait passé ses jours à penser de sesparents, Angélique avait été envoyée pour vivre
toujours a demain, jamais en aujourd’hui. Elle regardait ce avec ses grands parents, ses plus proches parents. Son
qu’elle n’avait pas, n’appréciant pas ce qu’elle avait déjà. Et cœur se brisa en pensant de ses grands parents, et elle
maintenant, après recueilli la poupée et la serra dans ses bras. Je ne vais
plus pouvoir embrasser Nana ou Papie, pensa-t-elle, et
lui avoir tout donné, et en ne voyant aucune les larmes lui vinrent aux yeux. Qu’allait-elle faire ? se
reconnaissance, le destin avait décidé de la punir, de lui demanda-t-elle. Elle n’avait plus rien ; aucun toit au
apprendre a quel point s’était facile de reprendre tout ce dessous duquel elle pouvait prendre refuge, aucun sou
qu’il lui avait donné. en son nom. Quelle ironie ! pensa-t-elle, toutes ces
La fillette releva sa tête et regarda autour d’elle. Elle vit heures de travail pour assurer une bonne vie, un bon
les visages de gens qu’elle rencontrait chaque jour, qui lui avenir pour elle et ses grands parents, et puis en un clin
offraient toujours un sourire et un gentil bonjour, et qui d’œil, sa vie est réduite en miettes. Elle ne savait quoi
n’était maintenant que des cadavres sans vie. faire, et dans son état de bouleversement, ses pensées
Elle pensa qu’elle donnera tout pour pouvoir reculer dans couraient dans tout sens, elle n’avait aucune pensée
le temps, et que même si elle ne pourrait pas altérer les cohérente. Agrippant toujours sa poupée, elle se remit
événements pour sauver sa famille, même si tout par terre, s’allongea et ferma ses yeux. Avant de se laisser
mènerait a ce moment, qu’au moins elle aurait pu profiter gagner par le sommeil, une dernière supplication
des moments précieux qu’elle avait si négligemment échappa ses lèvres, « Ne me laisse pas
gaspillés. toute seule, Nana».
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